jeudi 13 décembre 2012

Madagascar: l'île frag'île (2)

Du 25 septembre au 27 octobre 2012, en compagnie de Anne, de Gaétan Duquette et de Jean Jacques, je me suis rendu sur l'île de Madagascar. Nous avions déjà planifié cette visite à l'automne 2009, mais un putsch contre le gouvernement en place, lancé le 26 janvier de cette même année et le troisième depuis 1960, a créé un climat d'instabilité politique qui nous a fait renoncer à ce voyage. Sachant que nous aurions beaucoup de déplacement à faire sur la Grande Île, incluant des vols internes par Air Madagascar qui n'est pas reconnu pour la fiabilité de son service, nous avons pensé que s'y rendre dans ces circonstances ne serait pas une bonne idée. Déjà, des émeutes avaient lieu avec ses blessés et ses morts et, comme c'était la capitale Antananarive qui était la plus affectée, beaucoup de vols étaient paralysés. En fin de compte, le président actuel Andry Rajoelina a remplacé le président destitué le 17 mars 2009, Marc Ravalomanana. La stabilité politique en 2012 nous semblait idéal pour nous lancer dans l'aventure.


De gauche à droite:  Laval Roy,  Anne Déry,  Gaétan Duquette et Jean Jacques Gozard. Au parc national de Masoala le 03 octobre 2012. Photo par notre guide malgache Bruno Andriandraotomalaza.


Le but concerté était d'observer le plus grand nombre possible d'espèces d'oiseaux (276 espèces se retrouvent sur la liste totale de l'île) tout en mettant l'accent sur les espèces endémiques (107 espèces) qui représentent 38.8 % de toutes les espèces que nous pouvions y voir. C'est énorme et très attirant, surtout lorsque l'on sait que la faune et la flore de Madagascar sont en sursis. Elles le sont malheureusement pour plusieurs raisons, dont



la déforestation au profit des monocultures ou du pâturage


Au sud de l'île, entre Fort-Dauphin et la réserve de Berenty, nous rencontrons des champs à perte de vue où la culture du sisal est la seule ressource récoltée dans les environs. L'utilisation du sisal est importante dans la vie quotidienne des malgaches. On peut en tirer de la corde, tresser des chapeaux... Photo prise le 12 octobre 2012.


 la disparition des zones marécageuses au profit de la riziculture irriguée


Tous les milieux humides non protégés (et la plupart ne le sont pas) sont irrémédiablement transformés en rizières. Photo prise à Antananarive le 27 septembre 2012. 


l'étalement urbain autour des grandes villes qui empiète toujours davantage sur les milieux naturels


Une joute de foot est organisée sur un grand terrain vague en banlieue d'Antananarive. Photo prise le 27 octobre 2012.


la pauvreté des gens (85% des gens sur l'île vivent avec moins de $ 2.00 par jour) et leur manque de prise de conscience sur la nécessité de protéger la nature


Ce superbe mâle de Ganga masqué / Pterocles personatus / Madagascar Sandgrouse vient tout juste d'être blessé à mort à la suite d'un jet de pierre effectué habilement par un jeune malgache. Ce dernier est fier de sa chasse et il ne pense absolument pas aux répercussions découlant de la mort de l'oiseau. En 30 jours passés en sol malgache, nous n'avons rencontré cette espèce qu'à trois reprises. Cette occasion-là était la première. Nous venions juste d'observer l'oiseau en vol lorsqu'il s'est posé au sol près du chasseur. Comment en vouloir au garçon qui a profité d'une occasion unique de procurer à lui-même et à sa famille quelques protéines de plus cette journée-là. À voir les autres enfants qui accourent, il ne sera pas le seul à profiter de cette manne. Photo prise dans la région nommée "la Marmite", près de Tuléar, le 9 octobre 2012.  


La forêt primaire recule au rythme de 300 000 hectares par an, sous le coup des défrichements qu'opèrent les paysans, poussés par la pauvreté à étendre pâturages et cultures sur brûlis. Cette évolution fait craindre la disparition totale de cette forêt dans les dix ans à venir, une accélération consécutive de l'érosion, un assèchement du climat et, à terme, la désertification de la majeure partie de l'île.


Vue du sol et à faible attitude, la campagne malgache entre Andasibe et Antsirabe peut offrir des paysages d'une grande beauté. Les forêts vertes entourent les champs, les rizières, les cultures en pente et les habitations. Photo prise le 1 octobre 2012.


Dès que nous gagnons en altitude et que nous avons des vues imprenables sur la campagne environnante, il est plus facile alors de voir à quel point la forêt à perdu du terrain sous la pression humaine. Photo prise le 2 octobre en direction de Ranomafana.


Photo prise à partir de l'avion nous menant à Maroantsetra au nord-ouest de la Grande Île. La forêt subsistante suit le fond des canyons ou s'accroche aux versants pentus des collines. Photo prise le 15 octobre 2012.


Une flore particulièrement riche et une faune originale font de Madagascar un véritable laboratoire de l'évolution. Mais la déforestation menace à très court terme ce patrimoine à l'immense potentiel scientifique ainsi que la survie de certaines populations rurales. Aussi les autorités et l'aide internationale s'efforcent-elles de sensibiliser ces populations et les visiteurs à la protection des écosystèmes de l'île.

Lors de notre passage dans le magnifique parc de Ranomafana, le 4 octobre 2012, nous avons lu sur des panneaux extérieurs que des équipes de chercheurs de partout à travers le monde venaient passer plusieurs semaines par année pour étudier la faune et la flore du parc. Les sujets d'étude les plus populaires sont sans contredit les lémuriens, ces animaux fétiches qui symbolisent Madagascar dans l'imagerie populaire.



Et voici des 19 espèces de lémuriens qui ont croisé notre route, celle qui a un côté le plus accrocheur. Cette femelle de  Maki catta / Lemur catta / Ring-tailed Lemur, ainsi que son jeune d'environ trois semaines, ont su gagner nos coeurs dès les premières secondes de notre rencontre. C'est d'ailleurs un toutou à l'éphigie de cette espèce que j'ai offert à ma petite-fille adorée Éloïse, tout en espérant qu'elle aura un jour la chance d'en observer un en vrai dans la nature, non dans un zoo derrière une vitrine ou les barreaux d'une cage. Photo prise à la Réserve de Berenty, le 13 octobre 2012.


Les papillons et les batraciens/reptiles sont aussi très courus alors que les oiseaux attirent plus les ornithologues que les chercheurs scientifiques. Pourtant, comme je le mentionnais dans mon billet du 18 mars 2011, une nouvelle espèce de râle forestier venait d'être reconnue dans la partie ouest de l'île, à la suite d'une étude plus aprofondie des sous-espèces connues de l'espèce nominale.


En date de 2007, 46 régions sont légalement protégées, incluant 18 parcs nationaux et 23 réserves spéciales. Ceci pour une superficie d'environ 1.7 millions d'hectares. Voici les principales régions.



Parcs nationaux (PN), forêts et réserves protégées


         Forêts pluvieuses

1.- PN d'Andasibe-Mantadia
2.- Île Aye-aye
3.- Réserve de Manombo 
4.- PN de Marojejy 
5.- PN de Masoala 
6.- PN de Montagne d'Ambre 
7.- Réserve de Nosy Mangabe
8.- PN de Ranomafana

         Forêts décidues

09.- PN d'Ankarafantsika 
10.- Réserve d'Ankarana 
11.- Région de Daraina
12.- Forêt de Kirindy
13.- Région de Mitsinjo
14.- PN de Tsingy de Bemaraha
15.- PN de Zombitse 

         Forêts xérophiles

16.- PN d'Andohahela
17.- Réserve de Berenty







Serait-ce trop peu trop tard ?  Ce que nous avons senti tous les quatre lors de notre visite, c'est un-peu-pas-mal de défaitisme dans l'esprit d'abord de notre guide Bruno qui donnerait pourtant sa vie pour que la nature soit protégée à jamais sur son île. Il est une personne super positive, mais il y a des situations qui semblent hors d'atteinte même pour un homme de bonne volonté. La dégradation des milieux naturels se rencontre aussi bien dans les eaux qui entourent l'île. Nous discutions un soir à Masoala, Jean Jacques et moi, avec un français qui organise de la plongée dans les barrières de coraux depuis plusieurs années. Tout comme partout ailleurs dans le monde, les coraux souffent beaucoup de la pollution, du changement climatique et de bien d'autres causes reliées à des activités de pêche ou de collectes de spécimens pour divers usages. Il y a beaucoup moins de poissons à cause de la surpêche de gros bateaux-usines et les  poissons prédateurs ont par le fait même vu leur population péricliter. Si on ne s'en tenait qu'à la pêche artisanale des milliers de pêcheurs malgaches le long des côtes, la pression exercée serait beaucoup plus facilitante pour assurer la pérennité de la ressource.

Oui, je sais, je n'ai pas tellement parlé des oiseaux de Madagascar dans mes deux derniers billets. Je fais mon mea culpa , mais je voulais tellement insister sur l'URGENCE de vous rendre sur l'île avant qu'il ne subsiste que des miettes. J'espère me tromper, mais si je le fais, je ne serai sûrement pas le seul, car plusieurs recommandations lues dans divers rapports vont en ce sens. Et après ce que j'ai vécu personnellement, je ne peux que confirmer la situation précaire dans laquelle se trouve présentement Madagascar, l'île frag'île.


... à suivre...

Si vous voulez voir un rapport complet de mon voyage à Madagascar, cliquez sur ce lien


Sur mon blog, je compte aller plus à fond avec certaines espèces ou certains sujets. Je vous entretiendrai des oiseaux dans mon prochain, c'est promis.

...à suivre donc...





2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très intéressant comme billet, doublé de sublimes photos comme toujours. Je comprends tes propos qui soulignent l'urgence de visiter cet endroit paradisiaque. La faune et la flore évoluent tellement vite, et pas vraiment pour le mieux, à cause de nous, les humains. J'ai vu tes photos dans ton rapport de voyage et je peux aisément m'imaginer que vous avez dû vivre de nombreuses émotions fortes lors de ce voyage ! Merci de partager et de nous faire rêver.

Laval Roy a dit…

Merci pour tes bons mots, Sophie. Je suis en train de lire sur la Thaïlande où je serai du 5 au 28 février 2013. J'y suis déjà allé à l'automne 2004 et je ne me souvenais pas à quel point ce pays aussi voyait ses régions boisées fondre à vue d'oeil. Si on recule de 45 ans (ça ne fait quand même pas très longtemps), presque 60% de la Thaïlande était couverte de forêt. Aujourd'hui, ce sont 15% qui restent et ces 15% se retrouvent presqu'exclusivement à l'intériur de parcs protégés. Pendant ce temps, non sans grande surprise, la population du pays est passée de 11 000 000 à 65 000 000 d'habitants. La surpopulation est vraiment l'une des plus grandes menaces à la viabilité de la planète toute entière. Mais il ne faut pas arrêter de voyager pour ça. Au contraire, l'écotourisme apporte des sous dans les goussets de ceux qui travaillent pour maintenir des lieux où la nature est protégée.