vendredi 19 juin 2015

La beauté cachée des marécages.




S'il existe un habitat sous-estimé par bien des gens et ceci, tout autour de la belle planète bleue, c'est bien celui des habitats humides. Pourquoi inspire-t-il aussi peu la sympathie de "monsieur tout le monde" ?  Serait-ce à cause de leur aspect peu invitant inspiré par une végétation plutôt monochrome ou par un sol rendu précaire parce qu'imbibé d'eau, rendant difficile de s'y aventurer sans crainte ? Serait-ce à cause des odeurs émanant de la décomposition de matières mortes, qu'elles soient d'origine végétales ou autres ?  Serait-ce à cause des sons continuels émis par les batraciens, les oiseaux ou les animaux qui peuvent s'y retrouver ? Alors que les passionnés de nature ne s'en lassent jamais, il n'y a rien de gracieux dans tout ça pour les autres.

Pour le naturaliste, l'occasion de découvrir un nouveau milieu humide est toujours excitant. Excitant parce que cet habitat recèle des secrets qui ne se dévoilent qu'à celui qui a la persévérance et la connaissance pour les repérer. Si les êtres qui y habitent sont vocaux, ils sont plutôt furtifs et ils se camouflent à merveille dans un milieu souvent impénétrable. L'observateur doit acquérir une certaine expérience de terrain  afin de connaître leur comportement et prévoir la façon dont ils vont se présenter devant lui. Et tout ceci ne s'acquiert qu'avec le temps... et la persévérance.


Je veux vous présenter aujourd'hui une espèce d'une extrême beauté. Elle ne s'observe au Québec que très sporadiquement et, lorsqu'elle le fait, nous ne la retrouvons que dans son plumage immature qui n'a rien à voir avec celui de l'adulte. Voici donc un individu immature que j'ai eu la chance de capter en image le 18 septembre 2011 au marais Carbonneau, près de Sherbrooke, Québec.






La Talève violacée / Porphyrio martinicus / Purple Gallinule est rarement observée au Québec. Une seule mention par année et il peut se passer une ou plusieurs décennies entre les observations. Il s'agit en très grande majorité d'individus immatures qui se présentent sous nos cieux à l'automne. Probablement à la suite de la dispersion qui suit la fin de la nidification. L'individu photographié a passé deux semaines à ce très beau marais.


Cette talève est reconnue dans la famille des rallidés pour sa tendance à s'égarer quelques fois très loin de son aire de distribution normale. Elle niche dans le sud est des États-Unis jusqu'en Amérique du sud et les populations les plus au nord et les plus au sud sont migratrices. Cette espèce est régulièrement rapportée sur l'île de Tristan da Cunha à quelques 3 800 km de la côte sud américaine. Elle s'est déjà égarée sur l'île Sainte-Hélène, à environ 6 400 km de l'Amérique du sud et elle fait des apparitions annuelles dans le sud ouest de  la Province du Cap, en Afrique du Sud. Des 21 cas répertoriés au Cap, la plupart se situe entre fin avril et début juillet et implique des individus immatures. Ceci suggère que les adultes sont peu portés à l'errance. Il apparaît que les individus migrant vers le nord en partance de la province de Buenos Aires, en Argentine, ou de l'Uruguay sont contraints de dévier de leurs corridors migratoires normaux par des forts vents en provenance de l'ouest qui les font traverser l'Atlantique,  pour finalement s'échouer sur les côtes de l'Afrique du sud, totalement épuisés et émaciés.  



Je dois attendre près de quatre ans avant de photographier à nouveau cette espèce alors que je me rends en Floride avec Anne au début mai 2015. Et, en 12 jours de balade entre les différents parcs et réserves, nous ne la rencontrons qu'à trois endroits soient au Lower Green Swamp Nature Preserve près de Plant City, à Merritt Island près de Titusville et au Green Cay Wetlands & Nature Center près de Boynton Beach.La plus belle rencontre se fait au dernier endroit mentionné. Et là, j'ai la chance d'avoir devant nous un adulte arborant ses plus beaux atours.



Alors que ses doigts démesurés font office de raquette lui permettant de se promener sur la végétation flottante des plans d'eau, c'est autre chose lorsque la talève grimpe sur les longues tiges pour aller bouffer les graines au bout des phragmites.



Tel un funambule, l'oiseau doit assurer son équilibre en étendant les ailes d'un côté ou de l'autre...



ou simultanément.


L'oiseau est tellement occupé à se nourrir qu'il ne se préoccupe aucunement de notre présence. Ce qui me permet une prise rapprochée de son cou et de sa tête.






Des lieux moins attrayants peuvent souvent cacher des êtres d'une grande beauté. Suffit d'ouvrir l'oeil et d'être attentif à leur présence pas toujours évidente.


Je vous souhaite de les découvrir à votre tour.


@ bientôt.




1 commentaire:

lejardindelucie a dit…

Ayant la chance de voir des Talèves en Espagne sans grande difficulté, je comprends votre joie de voir évoluer ce superbe oiseau. Les couleurs du plumage de l'adulte sous la lumière présentent de subtiles nuances. C'est aussi étonnant de voir avec quelle vigueur l'adulte décortique les tiges et racines des roseaux ou phragmites et les partage avec ses poussins.
Les zones humides recèlent des trésors. Nous avons pendant ces vacances parcourues des tourbières en Europe du nord et eté subjugués par ces vastes espaces où l'eau s'unit à la végétation pour transformer le paysage.
J'ignorais le long périple que fait votre Talève pour faire l'admiration des ornithologues du Québec!