jeudi 25 janvier 2018

Pécari à collier / Pecari tajacu bangsi / Collared Peccary



Comment dit-on ? Ce que l'on cherche finit toujours par nous trouver ?  Et bien, c'est ce qui nous arrive  le 14 décembre 2017 alors qu'un groupe de Pécaris à collier sort de la forêt pour s'alimenter de végétation en bordure de la Old Gamboa road au Panama.

Alors que nous sommes occupés à repérer dans un sous-bois très dense un Tinamou soui / Crypturellus soui / Little Tinamou, en compagnie de notre guide Jacobo Ortega, voilà que quelques pécaris sortent à découvert.





Comme beaucoup d'ongulés, les pécaris sont caractérisés par une vision médiocre, une ouïe tout-à-fait normale, mais ils sont dotés d'un odorat exceptionnel. Ces facteurs expliquent cette apparition tout-à-fait inattendue de la part d'un animal habituellement très furtif. Nous nous tenons à environ 75 mètres du groupe, nous ne bougeons pas, nous sommes silencieux et, surtout, nous nous tenons vent devant par rapport aux ongulés ce qui signifie que nos odeurs sont indétectables par eux. Sur cette photo, nous voyons bien l'adulte qui hume les odeurs en plaçant son groin contre le vent. Jamais il ne tourne sa tête vers nous. De toute façon, il ne nous aurait jamais senti. Sur le dos du jeune pécari qui l'accompagne, nous pouvons distinguer la ligne noire partant de la nuque et se terminant au niveau d'une glande située sur la croupe de l'animal. 

Les pécaris appartiennent à la famille des Tayassuidés qui comprend 3 genres, 3 espèces et 20 taxons.

  • Le Pécari du Chaco / Catagonus wagneri / Giant peccary est le seul représentant du genre catagonus  et il se retrouve en Bolivie, au Paraguay et dans le nord de l'Argentine. Il n'existe aucune sous-espèce. Il est inféodé au Chaco, un environnement très sec riche en cactus et en forêts xérophytiques qui reçoivent moins de 900 mm d'eau par année.
  • Le Pécari à lèvres blanches / Tayassu pecari / White-lipped Peccary est le seul représentant du genre tayassu et il se retrouve de l'extrême sud du Mexique jusqu'au Brésil. Les taxinomistes reconnaissent 5 sous-espèces, mais ces taxons n'ont pas été validés par l'ADN.
  • Le Pécari à collier / Pecari tajacu / Collared Peccary est le seul représentant du genre pecari et il occupe une plus grande aire de distribution que le Pécari à lèvres blanches. Il se retrouve du sud-ouest des États-Unis jusqu'en Argentine et au Brésil. Cette espèce est divisée en 14 sous-espèces.

Sachant qu'il ne peut sentir ma présence, je décide de m'approcher très lentement du groupe afin de les observer de plus près et d'étudier leur comportement. J'y vais donc par étapes, m'arrêtant de temps à autre pour ne pas attirer leur attention. L'occasion est trop belle et je ne veux pas la gâcher. Je m'immobilise finalement à une vingtaine de mètres du groupe. Il devient vite manifeste qu'ils ne m'ont pas encore vu. Même le bruit de déclenchement de mon boitier de caméra ne les inquiète pas. Jamais je n'aurais cru avoir cette chance. Les pécaris se déplacent lentement dans plusieurs directions et je découvre des adultes accompagnés de jeunes de différents âges.





Pendant ses premières semaines de vie, le jeune pécari est entièrement dépendant du lait de sa mère. Il peut passer jusqu'à 24% de son temps à téter. Grâce à une nourriture aussi riche, le jeune croît rapidement. À un mois, il pèse de 4 à 6 fois plus qu'à sa naissance. Après six semaines, il commence à manger de la nourriture solide et il est progressivement sevré. Lors de suivis faits en nature, des pécaris âgés de 24 semaines ont été observés tétant encore leur mère. Des observations faites en captivité suggère que le sevrage peut même être reporté jusqu'à 28 semaines si le contenu protéinique de la nourriture offerte à la femelle s'avère trop bas.  






 Le genre pecari représente probablement le plus vieux genre parmi les trois formant la famille des Tayassuidés. Il est le genre le plus largement distribué et il comporte une grande diversité en terme de taille et de couleur. Comme le suggère leur apparence, leur plus proches parents appartiennent à la famille des Suidés (porcs, phacochères, potamochères...). Les Tayassuidés du Nouveau Monde diffèrent des Suidés de l'Ancien Monde selon divers aspects, tel que leur dentition caractérisé par des canines allongés qui pointent légèrement vers l'arrière. Les porcs sauvages sont également sexuellement dimorphes alors qu'une faible différence en taille et en apparence est observable chez les pécaris. 


Le disque plat cartilagineux à la fin du museau, une caractéristique partagée avec les Suidés, sert au fouissage, à la recherche et à l'extraction de nourriture enfouie dans le sol (racines, glands...).





Les trois espèces de pécaris possèdent une glande sur leur dos qui leur procure une odeur caractéristique pouvant être détectée à des centaines de mètres et pouvant persister pendant des heures. J'apprends d'abord cette caractéristique de la bouche de Ramiro Yabar, un guide péruvien qui nous accompagne, Anne et moi, dans la partie amazonienne du Pérou en décembre 2009. Nous sommes alors en présence du Pécari à lèvres blanches. Nous parcourons lentement le sentier Monk Saki en pleine jungle, au Pantiacolla Lodge, lorsqu'un bruit sec fait s'arrêter Ramiro. Il nous demande de rester immobiles et d'attendre patiemment, car le bruit entendu provient sûrement d'un claquement de mâchoires fait par un pécari. Lorsqu'un membre de cette espèce sent un danger, il communique son appréhension au reste du groupe en claquant avec force ses mâchoires. Cette espèce agressive se tient en groupes pouvant atteindre des centaines d'individus et il vaut mieux ne pas se trouver sur le passage d'une horde en panique et qui tente de fuir. Comme prévu, après quelques claquements supplémentaires, le groupe passe en trombe dans le sentier à une cinquantaine de mètres devant nous. En atteignant le lieu de la traverse, Ramiro nous fait remarquer l'odeur musquée de ce pécari. Et c'est vrai que c'est très discernable, tellement que nous en arrivons à sentir facilement la présence ou le passage de cet animal à plusieurs endroits subséquemment.




Mais pourquoi ces animaux émettent-ils une telle odeur ? Ne contribue-t-elle pas à la détection de leur présence auprès de leurs principaux prédateurs que sont les gros félins (puma et jaguar) ?  Oui, c'est certain, mais, comme pour bien d'autres cas dans la nature, cette caractéristique contient plus d'avantages que de désavantages. Pour partager leur odeur respective, les animaux se placent côte à côte mais en sens inverse (l'un tête vers la queue et l'autre queue vers la tête) et chacun frotte sa gorge sur la glande située sur la croupe de l'autre individu. Cet échange d'odeur renforce le lien unissant les individus d'une même horde, sauvegarde la hiérarchie dans le groupe et il permet la reconnaissance d'individus appartenant au même groupe sur le terrain, ce qui peut éviter bien des affrontements inutiles.





Les pécaris sont omnivores et leur diète est très variée.   Dans les parties les plus arides de son aire de distribution. le Pécari à collier peut ingurgiter une grande quantité de cactus malgré sa teneur élevée en acide oxalique potentiellement toxique. Dans certaines parties du Texas et de l'Arizona, on dit que le Figue de Barbarie et ses fruits constituent le principal aliment, bien que la valeur nutritive de cette plante ait été mise en doute car elle manque de protéines et de fourrage. Les estomacs de plusieurs pécaris étudiés contenaient souvent de petites quantités d'invertébrés et d'autres substances animales. Ceux-ci procurent certainement d'importants suppléments à une diète souvent dominée par une seule source de nourriture, qu'il s'agisse de cactus ou de fruits. Le Pécari à collier va même jusqu'à manger des escargots lorsqu'il se retrouve à proximité de marais. Comme d'autres animaux, tels les psittacidés, qui mangent à l'occasion des éléments pouvant être toxiques, les pécaris combattent les effets nocifs de ces aliments en ingurgitant de la glaise. La glaise permet de neutraliser l'effet des toxines présentes dans les fruits et les feuilles. En plus, le fait de manger de la glaise peut leur procurer des nutriments absents dans leur diète animale. Lors de mon observation sur la Gamboa Road, les pécaris ingurgitent une grande quantité de végétaux.






La photo ci-dessus nous permet de constater comment un Pécari à collier peut être difficile à repérer dans la végétation dense. Même s'il peut être abondant dans un secteur donné, sa couleur et son immobilité lui permettent de demeurer invisible à toute détection. Mais, souvenez-vous, son odeur peut le trahir.

@ bientôt.


Bibliographie consultée

A.B.Taber, M. Altrichter, H. Bec and W.L.R. Oliver eds. (2011). Family Tayassuidae (Peccaries). Pp.292-307 in: Wilson, D.E. and Mittermeier, R.A. eds. (2011). Handbook of the Mammals of the World. Vol. 2. Hoofed Mammals. Lynx Edicions, Barcelona.

 

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